jeudi 9 septembre 2010

Ethiopie-Guinée : Yattara, les artistes et les buts de tête.


Loin, très loin de Kaloum, sur les altitudes d’Ethiopie, le Syli National de Guinée a démontré ce soir, devant ses hôtes éthiopiens, des pas de Doundoumba (la danse de l’homme fort). Cette danse de nos braves ancêtres que notre emblématique ballet «Les Ballets Africains de Guinée» ont toujours exhibée avec fierté dans plusieurs grandes villes du monde.


A Addis-Abeba, les hôtes du Syli sont connus comme Walya, les Antilopes, et pour de bonnes raisons. Ces athlètes naturels furent l'une des 3 équipes avec le Soudan et l'Égypte à prendre part à la première Coupe d'Afrique des Nations (CAN) en 1957. Finaliste en 1959, ils vaincront la compétition en 1962 en tant que pays organisateur. Vingt ans plus tard, en 1982, ils joueront leur ultime CAN à Benghazi, Libye. Et depuis ce jour, ils courent et se battent pour revenir.


Le jeu ? Eh bien, au début, c’était l'effort, et l'effort. Le ballon pareillement aux pieds des deux protagonistes ou dans l’eau des suites d’une averse. L’imagination de dominer et l'espoir de vaincre cèdent au stress. La seule magie dans le jeu développé par les Antilopes est d’essayer de surprendre les visiteurs. C’est pourquoi, pendant les 28 premières minutes, leur ferme détermination devant les attaques des Mansaré, Karamoko et Yattara et leur volonté de s’imposer les ont permis d’ouvrir le score à la 29e minute.


Mais peu importe la peur qui a atteint, ébahissement, le Syli au cœur, au moment où l’on s’y attendait le moins, les joueurs guinéens, déterminés physiquement et mentalement, se sont refusé à accepter cette domination au score. C’est ainsi que six minutes plus tard, Ibrahima Yattara, sur une frappe croisée, obligera le portier Ethiopien d’aller chercher le ballon du fond de son filet.


Un fan crie : "Yattara ! Yattara !". Très en vue ce soir et incontestablement l’homme du match, Yattara est l'un des footballeurs les plus inspirés jamais engendrés par les clubs guinéens. Les autres artistes s’appellent Petit Sory, Maxime Camara, Papa Camara, N’Joléa, Cherif Souleymane, Mory Koné, Bernard Sylla, Mohamed Sylla Socrates, Salam Sow, Titi Camara, Morlaye Soumah Colovati, Fodé Mansaré, Pascal Feindouno et j’en passe.


Et s’il y aurait toujours, du coté de l’équipe gagnante, un joueur plus content de la victoire que les autres ; ce soir, cet heureux devrait certainement être Ibrahima Yattara dit Pokou. Car l’enfant de Kamsar n’a jamais été en odeur de sainteté avec l’ex-coach Robert Nouzaret, qui l’avait d’ailleurs écarté, in extremis, lors de la CAN 2008. Mais depuis l’arrivée de Michel Dussuyer, Pokou entame bien son retour en équipe nationale.


Ce prodige est l'un des meilleurs ailiers africains en raison de son aptitude technique. Son sang-froid devant la cage, ses dribbles imprévisibles, combinés à une bonne traversée, lui permettent de pénétrer les défenses les plus compactes. Le sélectionneur espagnol Luis Aragones a une fois déclaré que « le style de jeu de Yattara est très similaire à Ronaldinho ». Les clips de ses gestes techniques impeccables -(Yattara Show, Yattara vs Ronaldinho)- sont visionnés par des centaines de milliers d’internautes.


Son père, Salifou, était un grand défenseur des « Caïmans de Kamsar ». C’est dans les rues de cette ville minière Kamsar que cette combinaison de vitesse, dribble et touche splendide de Pokou a été repérée par le club local Sangaredi. Il fera ensuite la fierté d’Atletico de Coleah (Conakry) mais c’est au Royal Antwerp FC (D1, Belgique) qu’il va réellement ciseler son art. Le club turque Trabzonspor (D1, Turquie) qui pratique un football offensif, voit en lui l’ailier parfait. L’histoire de ce club retiendra leur alliance de sept saisons d’affilée qui a débuté en 2003. L’année suivante Trabzonspor remporte le championnat grâce à une forte contribution de Pokou qui progresse aisément. Un an plus tard, il devient le meilleur joueur de la Turquie (Turkcell Süperlig). Il est toujours lié a ce club jusqu’en 2012.


Plusieurs grands clubs européens ont également voulu faire signer le « Ronaldinho guinéen ». En Mai 2008, l'AS Roma s’est présenté mais Trabzonspor aurait exigé, en échange, le joueur de la Roma Francesco Totti. Et l'affaire a échoué. Aussi, en Janvier 2009, le Real Madrid s’était intéressé au talent du guinéen avant de se raviser. Al-Sadd (Qatar) et l’Olympique de Marseille (France) ont aussi manifesté leur intention de le recruter.


La tradition du football insiste sur le fait qu'un seul homme ne fait pas une équipe, mais deux la font. A Addis-Abeba, notre onze national en avait dix-huit. Donc, le Syli n’a pas ressenti l’absence de son attaquant Ismaël Bangoura, resté à Dubaï où il a signé le jeudi à Al-Nasr (Émirat Arabes Unis), et joué son premier match sous son nouveau maillot ... le lendemain !


Il y a toujours un élément d'illusion lorsqu’un footballeur de haut niveau choisit la pente descendante, un championnat de bas niveau, privilégiant le facteur financier.


Quant aux joueurs présents à Addis-Abeba, appuyés par l’excellente performance du portier Naby, ils ont brillamment réussi à créer une véritable soirée de coups de tête. Elle débute à la 46’ lorsque Yattara dépose le ballon sur la tête de Kalabane qui corse l’addition. Puis, à la 60’, le même Yattara centre sur la tête de Karamoko qui, avec un éblouissant coup de tête, trompe le portier éthiopien. Enfin, sur un service de Mansaréà la 75’, le capitaine du Syli Kamil Zayatte scelle la victoire en inscrivant le quatrième but, aussi, de la tête. Score final: Ethiopie 1 Guinée 4.


La fin a justifié les moyens et la Guinée sera bien à l'aise en recevant le Nigéria, dans un mois, à Conakry.


/__ Moysekou (Kuwait City)

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