mardi 30 novembre 2010

Où sont les Bangoura ?

Où sont les Bangoura ?

KUWAIT CITY- Dans les joutes continentales, le charme du football n’a rien à voir avec le soutien du public. Sinon, nous n'aurions jamais pu admirer les équipes qui rayonnent et triomphent en jouant loin de leurs terroirs.

À Kuwait City et dans certaines villes du Golfe Persique, nombreux sont ceux qui me posent cette question : Où sont les frères Bangoura ? Hier, dans une banque près de l’Université du Koweït ; un jeune Koweitien, Fahad, m’a posé la même question dès qu’il a su ma nationalité. Fahad est un passionné du foot africain.

Il y a quatre ans, lors de la CAN 2006 en Egypte, la belle ville Alexandrie avait massivement accueilli chacune des quatre sélections nationales du groupe C qui devaient évoluer sur ses installations. Il s’agit de la Tunisie, l’Afrique du Sud, la Guinée et la Zambie. Et avant les premiers matchs de ce groupe, dans les lieux publics de la ville, il était facile de constater le soutien absolu des habitants pour les Tunisiens, champions d’Afrique en titre et favoris du groupe. Les Alexandrins et Tunisiens sont tous des Arabes et donc parlent la même langue.

Mais, dès après la première sortie du Syli National de Guinée face aux Bafana Bafana d’Afrique du Sud, la belle ville touristique a aussitôt tourné casaque. Car il était difficile de ne pas admirer le jeu impressionnant de Feindouno, les gestes parfaits de Yattara, les récupérations irréprochables du colosse Dian Bobo, l’inlassable pressing de Mansaré ou les balles de buts de l’expérimenté Pablo Thiam.

Pourtant, l'équipe nationale de Guinée était arrivée en Egypte sous un nuage de difficultés financières. À la veille, le coach Patrice Neveu, qui était en charge depuis 2004, avait même menacé de démissionner si ses arriérés de salaire n'étaient pas payés. La tension était palpable.

Mais une fois que le football a commencé, tout a été oublié par ces jeunes joueurs capables de bouleverser le rythme des adversaires les plus redoutables. Considérés comme outsiders avant le coup d’envoi de ce tournoi biennal africain, ils engrangeront trois victoires d’affilée en dominant l’Afrique du Sud (0-2), la Zambie (1-2) et la Tunisie (0-3) pour mériter leur place en quart de final. Une preuve que la beauté du football c’est aussi sa glorieuse incertitude.

Dans cette belle ville où durant la compétition, la température se servait souvent de la pluie le matin et la chaleur dans l’après-midi pour offrir une soirée bien fraîche au Stade Harras el-Hodoud le spectacle était toujours extraordinaire. Les fans Alexandrins tout comme ceux du monde arabe, déjà emportés par les poulains de Neveu, ont instantanément surnommé le Syli National de Guinée - les Bangoura.

La famille Bangoura est l’une des principales familles Soussou en Guinée. Ils étaient cinq talents nommés Bangoura qui, avec l’assistance de leurs coéquipiers, ont permis à cette jeune équipe guinéenne de laisser de bonnes empreintes dont les férus de cuir rond se souviennent encore. Le public d’Alexandrie, bien qu’impressionné par l’abondance de ce nom sur le terrain, a aussi été enchanté par les débordements de l’ailier Ibrahima Bangoura (Troyes, France), les coups de tête précis de l’avant-centre Sambegou Bangoura (Stoke City, Angleterre), les contrôles admirables du milieu offensif Ousmane Bangoura (Charleroi, Belgique), les dribles et accélérations de l’attaquant Ismael Bangoura (Le Mans, France). Sur le banc réserve, il y avait le portier Aboubacar Bangoura de Châteauneuf d’alors.

J’ai expliqué à Fahad que le temps a passé et que les Bangoura sont de retour avec des nouveaux noms. Cependant, le jeu et le spectacle sont toujours là et seul le tout puissant Allah sait où cela va nous mener cette fois. J’ai ensuite actualisé les connaissances de Fahad sur notre football en lui expliquant où sont ils tous ces Bangoura.

Fahad me répondit qu’il rêve de “regarder encore’’ ces talentueux Bangoura (le Syli) étaler leur beau et fascinant football. -“Incha’Allah’’ (S’il plait à Dieu) était mon ultime réponse en le quittant, … avec le sourire.


/____Moysekou

vendredi 12 novembre 2010

Feindouno et Inzaghi : deux philosophies parallèles !


KUWAIT CITY - Le football, assurément, a prouvé être le sport roi sur terre. À l’exception possible de l'Antarctique, le monde n’a apparemment pas un endroit imperméable à sa verve et son influence. Et à Taouyah, un quartier côtier de Conakry, la plage Rogbané est l'un des endroits où de nombreux touristes et habitants vont souvent pour se relaxer en dégustant le jeu magnifique.


Sur ce bord de l'océan Atlantique avec les mouettes baignant en toute tranquillité sous un scintillant crépuscule qui illumine l’ile de Kassa à peine visible de loin ; un match de football a eu lieu récemment mettant en vedette Fodé Mansaré, Bobo Baldé, Ibrahima Yattara, Kalabane, Feindouno, Ismaël Bangoura, Ronaldinho, Rooney, Messi, Eto’o, Iniesta, Fabregas, C. Ronaldo, Drogba, Robinho et Essien. En réalité, ces joueurs ne figuraient pas effectivement dans ce match, mais des adolescents enfilant les maillots de leurs stars préférées, locales et internationales, dont ils suivent les prouesses sur les pelouses européennes par le biais des satellites.


À dire vrai ; ces jeunes adorent le foot. Ils ont traversé les ruelles poussiéreuses de Hamdallaye, la corniche de la Minière sous la chaleur estivale de Conakry pour rejoindre cet endroit propice à la détente.


Ils y ont installé quatre minces bois pour servir de poteaux sans barres transversales ni filets. Dès l’entame, leur match amical a pris des formes réelles ; son rythme parfois saillissant sur les côtés jusqu'à ce qu'ils aient joué près de l’eau où deux jeunes commentaient, sans microphone, leur moindre dribble, récupération ou geste impeccable. L’un de ces jeunes commentateurs était vêtu en maillot blanc de Kaka du Real Madrid et l’autre portait l’orange de Nasri d’Arsenal.

Leur cri, souvent déclenché par une occasion ratée ou un geste parfait, était à la fois perçant et attrayant. Les spectateurs applaudissaient sans relâche. L’ambiance était admirable.


Au même moment, non loin de Taouyah, dans le quartier populaire de Bonfi, il y avait un autre match au Stade de Bonfi avec un large public. Souvent, les clubs de ce quartier comme « les Girondins » s’entraînent ici. L’une des stars qui a débuté sa carrière dans ce stade est le pétillant Pascal Feindouno, la star guinéenne dont le maillot était visible parmi tant d’autres fièrement portés par ces jeunes qui étalent leur talent à la plage de Rogbané.


Connu pour sa technique hors normes, son sens du spectacle et son inconstance, Feindouno a laissé de bons souvenirs en Ligue 1 française. Pendant neuf ans, il a fait les beaux jours de Bordeaux, Lorient et Saint-Étienne. En équipe nationale de Guinée, les traces de Feindouno sont indélébiles. Son génie créateur aidant, il est capable à lui seul de renverser le cours d’un match. Il le fait souvent et l’a fait un soir au Stade Ohene Djan d’Accra lors de la CAN 2008 quand les Guinéens affrontaient les Marocains non seulement pour se qualifier pour le quart de final mais, aussi réaliser ce qui les a toujours échappés: vaincre les Lions de l’Atlas.


Dans ce match Guinée-Maroc, à la 59’ min, vers le milieu du terrain, une combinaison de la défense marocaine sera interceptée par Feindouno qui récupère le ballon intelligemment, sans tarder, il lit la situation avant de le brosser avec une fine et incisive touche entre trois défenseurs marocains vers Ismaël Bangoura, l’attaquant du Dynamo Kiev d’alors. Cet insatiable buteur régulier ne laissera aucune chance au portier marocain 2-0. Le premier but guinéen, sur coup franc à la 11’ min, était l’œuvre du même artiste Feindouno.


Le temps passe, le rythme s’accélère et l’infatigable attaquant Lillois, Souleymane Youla se bat, en vain, pour corser l’addition. Il ne se décourage pas. Sa persistance récoltera un penalty à la 63’ min qui sera aisément transformé par le même flamboyant Stéphanois Feindouno.


Les marocains résisteront, sans succès. Au sifflet final, une marge d’un but départageait les deux équipes. Et sans aucun doute, la joie d’être en quart de final était déjà dans les rues de Conakry. Score final : 3-2. Le Maroc était éliminé et les supporteurs guinéens en liesse semblaient avoir déplacé une montagne.


Mais il y a deux ans, Feindouno qui était une valeur sûre à St Etienne, a préféré s’exiler au Qatar pour palper quelques pétrodollars, retrouver des sensations, se mettre en valeur et rejoindre l’Europe !


Poursuivant sa philosophie et après une randonnée financièrement profitable à Al-Sadd, Al-Rayyan (Qatar) et Al-Nasr (A. Saoudite), il chercherait présentement un club pour rebondir en Europe ! Il a résilié ces jours-ci son contrat, qui expirait en fin de saison, avec le club qatari d'Al-Sadd. Mais en retournant en Europe, Feindouno est-il à son meilleur niveau ?


À l’âge de 29 ans, malgré ses pieds bénis ; une nouvelle percée de Feindouno dans le football de haut niveau en Europe demeure un véritable challenge. Mais, à cœur vaillant comme Feindouno, rien d’impossible.


De nos jours, certains footballeurs quittent l’Europe vers d’autres continents pour retrouver de temps de jeu ou se préparer une retraite dorée et d’autres comme Filippo Inzaghi restent en Europe.


Le virtuose Inzaghi a 37 ans mais, il fait toujours la différence pour le Milan AC quand le temps est sombre.


Mercredi dernier (3 Nov. 2010) en Ligue des Champions, le Real Madrid a marqué et maîtrisé le jeu face au Milan AC mais, c’est la légende vivante Inzaghi qui a remis les choses à plat en marquant non pas une, mais deux fois, en 10 minutes. Le 1er but est une finition exceptionnelle dont seuls les joueurs talentueux en sont capables. En avançant vers la ligne de but, il avait imaginé une chose rarissime - une erreur du capitaine champion du monde, Iker Casillas. Il placera le 2ème but en partant d’une position de hors-jeu. Dans ce match nul (2-2), le Milan était agité, dominé par le Real et Inzaghi, entré à la 60’ min, a tout changé.


Le coach du Real Madrid, Mourinho, avait dit en conférence qu’au Milan AC, il ne craignait qu’Inzaghi. Certains avaient sous-estimé son avertissement. Ils ne le font plus maintenant.


Ce mince braconnier, souvent invisible comme un fantôme, a toujours marqué des buts importants dans une carrière de 19 années de travail quotidien à Piacenza, Parme, Atlanta, Juventus et maintenant Milan AC. Son secret ? Il le résume lui-même : « Je me connais et j'ai mes routines », a-t-il dit après le match. « Ce qui change c'est que plus le temps passe, plus il faut travailler pour être au top. »


Ainsi, Inzaghi, avec sa philosophie, brille et brise des records. Avec le doublé du mercredi, il a battu les records de deux grands Européens - Gerd Müller et Marco van Basten - en une seule nuit à Milan. Ca fait 70 buts marqués en Coupe d’Europe, un but de plus que Müller et 125 buts réalisés sous le maillot Rossonero. Plus que Marco Van Basten (124 buts).


Bref, pour rester au sommet de son art, Inzaghi redouble ses efforts chaque jour. Feindouno, lui, préfère s’exiler dans un championnat de bas niveau mais, très lucratif ! ... Le foot, incontestablement, a de philosophies distinctes.


Par: Moysekou (Kuwait City)