KUWAIT CITY – Kévin Constant et Ibrahima Traoré sont deux jeunes talentueux d’origine guinéenne. Ils sont nés, grandis et nourris à travers chaque niveau du football en France. Ce sont des jeunes en quête de réussite dans un sport qui, presque chaque jour, démontre que la nationalité est un choix aussi bien qu’un droit. Ils ont marqué chacun un but à des moments vitaux pendant les deux derniers matchs du Syli National de Guinée.
Kévin, 23 ans, a du talent à ses pieds. Cet ancien toulousain évolue aujourd’hui au milieu du Chievo Vérone (Série A, Italie) mais, ce dimanche (10/10/2010) sa mission était d'aider la Guinée à battre le Nigeria. Un colosse du continent dont la taille reflète l’appréciation et le mérite que vaut son conquérant victorieux.
Du moment où ils se sont alignés pour l’hymne national, Kévin et ses coéquipiers ont été applaudis, chantés et exaltés. L'ambiance extraordinaire s’est passée à Conakry, où la majorité des sièges du mythique Stade du 28 septembre a été remplie par les fans du Syli. Mais le Stade n’était pas plein à craquer.
Cela n'est pas surprenant. Il y a belle lurette, le Syli alternait joie et désillusion, perdant ce qu'il fallait gagner et très rarement gagner ce qu’il fallait gagner. Mais ses supporters inconditionnels ne se découragent jamais.
Durant ce duel pour le compte des Eliminatoires CAN 2012, le soutien du public a été productif. Car le Syli a bien impressionné en attaquant avec technique, circulant avec assurance et résistant avec sagesse aux moult assauts des Super Eagles par un mur défensif déterminé, un milieu motivé et une attaque affamée mais malhabile devant la cage adverse. Ce bloc cimenté par le maçon Dussuyer, dont la plupart des briques ont été récemment détectées en Europe, a réussi le pari de poser la défaite chez l'adversaire et par ricochet, imposer la victoire au Syli.
L’une de ses briques en béton s’appelle Mamadou Diouldé Bah, actuel milieu de VfB Stuttgart (D1, Allemande). En janvier 2008, il est sélectionné in extremis par l’ex-coach Nouzaret pour remplacer Kévin Constant à la CAN 2008 au Ghana. Quatre mois plus tôt, Kévin avait joué son 1er match face au Sénégal après avoir signifié, à travers une demande adressée à la FIFA, sa volonté de jouer pour sa terre maternelle. Mais la FIFA tardera à vérifier les origines guinéennes de sa mère.
Ainsi, la malchance des uns faisant l’enchantement des autres, Kévin ratait cette joute continentale, Bah faisait ses débuts au sein du Syli senior.
Mais ce soir, les deux prodiges, avec l’assistance de leurs coéquipiers, ont créé ensemble le but de la victoire à la 5’. Ce score étriqué a été le fruit des échanges agréables entre quatre joueurs guinéens au milieu du terrain avant que Kévin, bien servi par Bah, ne pénètre la défense nigériane pour faire trembler les filets du portier Vincent Enyeama.
Le jeu a été bien équilibré tout au long de la première mi-temps. Tandis qu’en deuxième période, les deux équipes ont été plus rigides au milieu du terrain. La résistance du milieu guinéen, sous l’égide de Kamil Zayatte, a été impeccable. Ce capitaine polyvalent est à la fois le catalyseur, le stratège et parfois l’attaquant de cette équipe entièrement motivée à offrir la joie au peuple de Guinée.
A la 75’, le stade semblait plus calme qu'une bibliothèque. La crainte était de plus en plus grande que le Nigeria pourrait égaliser lorsqu’un tir puissant d’Obafemi Martins a été contré sur la barre par le gardien Naby Yattara donnant un corner sans danger.
Les deux équipes rateront plusieurs occasions. Et les nigérians, qui n’ont jamais gagné en Guinée, doivent attendre encore.
Kévin est né à Fréjus, au sud de la France sur la rive de la Mer Méditerranée. Ibrahima, avant-centre de FC Augsbourg (D2, Allemande), est né à Villepinte au nord de Paris il y a 22 ans. C’est un braconnier qui, profitant de l'indécision des défenseurs, utilise son esprit inventif et ses gestes parfaits pour agiter les filets adverses.
Cette victoire historique du onze national sur les Super Aigles du Nigeria était le premier match officiel de ces deux jeunes bi-nationaux sur le sol guinéen, terre de leurs ancêtres.
L’effort salutaire de nos dirigeants sportifs et du sélectionneur dans l’opération de détection et de séduction de nos sélectionnables exilés est à encourager.
Quant aux joueurs, leur choix est personnel. Le jeune attaquant rennais Abdoul Razzagui Camara, longtemps approché par la Guinée, son pays d’origine, aurait finalement opté pour les Bleuets de France, son pays natal. Les bi-nationaux Schumann Bah, Dianbobo Baldé, Kaba Diawara, Habib-Jean Baldé, Kévin Constant, Larsen Touré, Ibrahima Traoré …etc. ont, eux, préféré rejoindre le Syli plutôt que d’attendre avec les Bleuets ou les Bleus.
Kévin et Ibrahima jouent à des postes différents mais, ils ont quelque chose en commun : la discipline, l’attitude et leur sens de donner toujours le maximum de soi-même sur le terrain. Ces qualités sont à imiter.
Naturellement, ils sont ce que nous sommes tous : les descendants de nos parents.
Nous sommes fiers de ce nouveau Syli de joueurs disciplinés. En effet, ce soir, où serait le Syli sans leur discipline ?
Moysekou (Kuwait City)